Hommage à un autre esprit latin


La première fois que j’ai rencontré le Professeur Anatol CIOBANU c’était en février – mars 1996. Invité par Monsieur Valerie RUSU pour un voyage scientifique, il a passé 45 jours en France, notamment à Aix-en-Provence et est venu régulièrement au Département de linguistique comparée des langues romanes et roumain. J’étais alors étudiante de Monsieur RUSU et préparais un Doctorat sous sa direction.
Les discussions que j’ai eues avec Monsieur CIOBANU au Département ainsi qu’à l’extérieur (visite d’Entremont etc.) nous ont permis d’aborder des sujets très divers, notamment scientifiques (latinité de la langue roumaine, unité linguistique du roumain parlé des deux côtés du Prout…).
Ceci m’a permis d’apprécier la grande rigueur de ce Lettré qui se fonde, pour affirmer ses propos, sur des données culturelles, linguistiques et historiques qui, lorsqu’elles sont connues, ne peuvent être raisonnablement niées.
Ces diverses entrevues m’ont également permis de me rendre compte de l’importance que revêtait la vérité scientifique pour cette homme qui, malgré les difficultés, affirme ses convictions.
En partant, Monsieur CIOBANU a répondu favorablement à une demande de Monsieur RUSU. Ainsi, en plus de ses charges scientifiques à la Chaire de Linguistique Roumaine, Générale et Romane de l’Université d’Etat de Moldavie, il a accepté d’être l’un des rapporteurs pour ma thèse de doctorat [«Un moment significatif de l’influence française sur la langue roumaine: le dictionnaire de Teodor Stamati (Iassy, 1851)»].
L’avis favorable qu’il a donné ainsi que les remarques théoriques qu’il a faites ont suscité chez moi des interrogations et réveillé un intérêt pour la lexicologie et la linguistique. Ce dernier ne s’est pas estompé puisque je poursuis mes recherches dans cette voie actuellement (élaboration d’un dictionnaire bilingue français-roumain).
J’ai, par la suite, revu Monsieur CIOBANU à l’occasion d’un colloque organisé à l’Université de Provence par Valerie RUSU et Jean-Claude BOUVIER «Les aventures de la Romania à la fin de ce millénaire» (1998). Lors de cette manifestation, il a pu donner son avis de spécialiste sur la situation linguistique actuelle en République de Moldavie.
Un second Colloque international, «Ginta latina et l’Europe d’aujourd’hui», a été organisé par Valerie RUSU (comité d’organisation Valerie RUSU, Estelle VARIOT, Adrian CHIRCU), en présence du Consul Général Romulus BENA et d’adjoints à la Municipalité d’Aix-en-Provence (Madame Michèle GARINO). Il a permis de faire venir en France Anatol CIOBANU ainsi que des poètes (Vasile ROMANCIUC, Iulian FILIP, Nicolae DABIJA) et des critique littéraire (Ana BANTOŞ), originaires de République de Moldavie.
Monsieur CIOBANU a, à nouveau, fait preuve d’une grande force de conviction puisque, malgré la fatigue, il est venu en terre de France afin de délivrer un message poignant à ses frères de la partie occidentale de la Romania et au monde: n’oubliez pas la latinité orientale et ses représentants.
Les communications que Monsieur CIOBANU a faites ont été publiées à Aix (Actes des Colloques de 1998 et 2001, notamment) et en République de Moldavie.
Enfin, j’ai revu Monsieur CIOBANU, en juin 2003, à l’occasion de la journée organisée en l’honneur de Mihai EMINESCU par Madame Aurelia RUSU (spécialiste de l’œuvre du poète national roumain) et Monsieur Valerie RUSU.
Monsieur CIOBANU a, ce jour-là, manifesté son respect et son amitié à Monsieur Valerie RUSU, en présentant un ouvrage scientifique – dont il est le principal coordinateur1  – consacré à cet autre bessarabien. Il a également participé à un jury, lors d’une soutenance de thèse de doctorat portant sur la poésie bessarabienne contemporaine, dirigée par Valerie RUSU.
J’ai personnellement été très heureuse également de connaître Monsieur CIOBANU pour son humanité, son humanisme.
En effet, il se consacre pleinement au réveil et à l’épanouissement de l’âme de son peuple et honore ses concitoyens par sa droiture.
Néanmoins, il me semble que les valeurs les plus appréciables que l’on puisse trouver chez un homme – ou une femme – sont l’humilité et la modestie. Elles permettent à un être humain d’avancer toujours et de garder espoir en l’avenir.
Ce sont ces valeurs qui, sans nul doute, animent Monsieur CIOBANU.
Un élément corroborant ceci est que Monsieur CIOBANU, à chacune de ses venues en France, a eu la délicatesse de s’exprimer en français en reconnaissant, avec sa modestie naturelle, la difficulté pour un locuteur étranger de maîtriser une langue autre que la sienne dans toutes ses acceptions (cas du français pour les Roumanophones et du roumain pour les Francophones, par exemple).
Cette finesse d’esprit contribue certainement à rendre Monsieur CIOBANU aussi sympathique et attachant.
Pour toutes ces raisons, je souhaitais rendre honneur à Monsieur CIOBANU qui incarne ce qui est le plus noble dans l’âme humaine. Je remercie également les personnes (Valerie RUSU, Alexandru et Ana BANTOŞ, notamment) qui m’ont permis de participer à cet hommage.
Soyez certain, Monsieur CIOBANU, que votre science est appréciée ici, dans un coin de Provence, entre Nice et Marseille et, je n’en doute pas, également ailleurs en France, en Roumanie et en République de Moldavie.
Soyez aussi assuré d’une chose: le plus important est de respecter la vérité (historique) ainsi que le disait Frédéric MISTRAL dans Coupo Santo:
Dóu Passat, la Remembranço
E la fe dins l’an que ven.2
C’est pourquoi nous attendons avec impatience les prochaines contributions de ce savant car la science ne connaît pas de repos et nous lui disons à bientôt.
 
Aix-en-Provence,
le 25 mars 2004
 
Note
1 Probleme actuale de lingvistică, Studia linguistica in honorem Valeriu RUSU, Universitatea de Stat din Moldova, CE U.S.M., Chişinău, 2002.
2 Dr. GUINTRAN, J. M., Histoire du Bar des Liganii aux Couguou et à l’Amiral de Grasse, édition posthume soignée par Estelle VARIOT, sous presse. Traduction de la citation: Se souvenir du passé / Et croire en l’avenir.